• le Rossignole et l'Empereur 3ème partie

    Suite... LE ROSSIGNOLE & L'EMPEREUR :  3ème partie

              Au château, tout fut nettoyé; les murs et les planchers, faits de porcelaine, brillaient sous les feux de milliers de lampes d'or. Les fleurs les plus magnifiques, celles qui pouvaient tinter, furent placées dans les couloirs. Et comme il y avait là des courants d'air, toutes les clochettes tintaient en même temps, de telle sorte qu'on ne pouvait même plus s'entendre parler. Au milieu de la grande salle où l'empereur était assis, on avait placé un perchoir d'or, sur lequel devait se tenir Rossignol. Toute la cour était là; et la petite fille, qui venait de se faire nommer cuisinière de la cour, avait obtenu la permission de se tenir derrière la porte. Tous avaient revêtu leurs plus beaux atours et regardaient le petit oiseau gris, auquel l'empereur fit un signe. Le rossignol chanta si magnifiquement, que l'empereur en eut les larmes aux yeux. Les larmes lui coulèrent sur les joues et le rossignol chanta encore plus merveilleusement; cela allait droit au cœur. L'empereur fut ébloui et déclara que Rossignol devrait porter au coup une pantoufle d'or. Le Rossignol l'en remercia, mais répondit qu'il avait déjà été récompensé: "J'ai vu les larmes dans les yeux de l'Empereur et c'est pour moi le plus grand des trésors! Oui! J'ai été largement récompensé!" Là-dessus, il recommença à chanter de sa voix douce et magnifique. "C'est la plus adorable voix que nous connaissons!", dirent les dames tout autour. Puis, se prenant pour des rossignols, elles se mirent de l'eau dans la bouche de manière à pouvoir chanter lorsqu'elles parlaient à quelqu'un. Les serviteurs et les femmes de chambres montrèrent eux aussi qu'ils étaient joyeux; et cela voulait beaucoup dire, car ils étaient les plus difficiles à réjouir. Oui, vraiment, Rossignol amenait beaucoup de bonheur.

              À partir de là, Rossignol dut rester à la cour, dans sa propre cage, avec, comme seule liberté, la permission de sortir et de se promener deux fois le jour et une fois la nuit. On lui assigna douze serviteurs qui le retenaient grâce à des rubans de soie attachés à ses pattes. Il n'y avait absolument aucun plaisir à retirer de telles excursions.

              Un jour, l'empereur reçut une caisse, sur laquelle était inscrit: "Le rossignol".

    "Voilà sans doute un nouveau livre sur notre fameux oiseau!", dit l'empereur. Ce n'était pas un livre, mais plutôt une œuvre d'art placée dans une petite boîte: un rossignol mécanique qui imitait le vrai, mais tout sertis de diamants, de rubis et de saphirs. Aussitôt qu'on l'eut remonté, il entonna l'un des airs que le vrai rossignol chantait, agitant la queue et brillant de mille reflets d'or et d'argent. Autour de sa gorge, était noué un petit ruban sur lequel était inscrit: "Le rossignol de l'Empereur du Japon Tous s'exclamèrent: "C'est magnifique!" Et celui qui avait apporté l'oiseau reçu aussitôt le titre de "Suprême Porteur Impérial de Rossignol".

    "Maintenant, ils doivent chanter ensembles! Comme ce sera plaisant!"

    Alors, on voulut faire chanter les deux oiseaux ensemble, mais ça n'allait pas très bien, le véritable rossignol roucoulait à sa façon et l'autre chantait des valses.

    - Ce n'est nullement de sa faute, affirmait le maître de musique, il a beaucoup de rythme et il est tout à fait de mon école.

              L'automate chanta donc seul. Il connut la gloire, d'autant plus qu'il était bien plus joli à regarder, il étincelait comme un bracelet ou une broche.

    Trente-trois fois il chanta le même air sans être fatigué.  les gens l'auraient bien écouté encore, mais l'empereur estima que c'était à présent au tour du véritable rossignol. Où était-il donc passé ?

    Personne n'avait remarqué qu'il s'était envolé par la fenêtre ouverte, bien loin, vers sa verte forêt.   - Qu'est-ce que c'est que ça ? dit l'empereur, et tous les courtisans unanimes blâmèrent le rossignol et le jugèrent extrêmement ingrat.

    « Le plus bel oiseau nous reste», pensait chacun ... et l'automate chanta encore.

               A la trente-quatrième fois, les courtisans ne savaient pas encore tout à fait l'air par cœur, car il était très difficile. Cependant, le maître de musique vantait l'automate, affirmant qu'il était bien supérieur au véritable oiseau, non seulement par sa robe et les merveilleux diamants, mais aussi par sa mécanique intérieure.

    - Voyez-vous, messeigneurs, et en tout premier lieu notre grand empereur, avec le vrai rossignol on ne sait jamais d'avance ce qui va venir, tandis qu'avec l'autre tout est prévu. C'est comme ça et pas autrement. On peut expliquer comment il est fait, l'ouvrir, montrer la conception du fabricant, où sont les valses, comment elles se déroulent et comment l'une suit l'autre.

    " C'est tout à fait ce que je pense", disait chacun des courtisans. Le maître de musique eut même la permission de montrer l'oiseau le dimanche suivant, au peuple, car l'empereur désirait que tous l'entendent.

               Le peuple l'entendit. Il y trouva autant de plaisir qu'à s'enivrer de thé - ce qui est très chinois -, il approuvait de la tête en levant en l'air le doigt qui s'appelle " licheur de pot". Cependant, les pauvres pêcheurs qui avaient l'habitude d'entendre leur petit oiseau de la forêt disaient : "C'est joli, ça ressemble ... mais il y manque je ne sais quoi !"
    Le vrai rossignol fut banni du pays et de l'empire.

               Maintenant, l'oiseau mécanique trônait sur un coussin près du lit impérial ; tous les cadeaux qu'il avait reçus, or et pierreries étaient rangés tout autour de lui, et il avait le titre de "Grand Chanteur de la table de nuit impériale n°1, du côté gauche", car l'empereur considérait le côté gauche comme le plus important, le coeur étant à gauche, même chez un empereur.

               Le maître de musique écrivit vingt-cinq volumes sur l'oiseau mécanique, si érudits et si longs, en employant les mots chinois les plus terriblement difficiles et les gens affirmaient les avoir lus et les avoir compris, autrement ils seraient passés pour stupides et auraient reçu la bastonnade sur le ventre. 

             à suivre...

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