• Le Rossignole et l'Empéreur 4eme partie

    Suite... LE ROSSIGNOLE & L'EMPEREUR :  4èmepartie


              Un an passa. L'empereur, la cour et tous les Chinois savaient par cœur chaque son sorti de la gorge du petit animal, mais ils n'en étaient que plus satisfaits, ils pouvaient chanter avec lui. Les gamins sifflaient : zizizi, kluklukkluk ! et l'empereur aussi. C'était vraiment charmant.

              Mais un soir... l'automate chantait, l'empereur était couché dans son lit et l'écoutait. Tout à coup, à l'intérieur de l'oiseau, il se fit un " couac", quelque chose sauta " brrr", toutes les roues tournèrent un instant... et la musique s'arrêta ! L'empereur sauta du lit, fit appeler son médecin, mais qu'y pouvait-il ? Alors, on fit venir l'horloger et, après bien des paroles et des examens sans fin, il réussit à réparer tant bien que mal la mécanique, mais il prévint qu'il fallait beaucoup la ménager car les pivots étaient très usés et il n'était pas capable de les remplacer. Quelle déception! L'oiseau mécanique ne chanta plus qu'une fois par an et encore ... Mais le maître de musique fit un petit discours plein de mots très difficiles pour expliquer que c'était aussi bien ainsi... alors c'était aussi bien ainsi.

              Cinq ans passèrent et tout le pays eut un grand chagrin - au fond, chacun aimait l'empereur - et maintenant il était très malade, au point de ne pas survivre, disait-on.

               Un nouvel empereur était déjà élu que les gens descendaient encore dans la rue pour demander au chancelier comment allait leur cher empereur.

    - P.p.p., faisait-il en hochant la tête.

    Blême et glacé, l'empereur gisait dans son grand lit magnifique et toute la cour, le croyant mort, s'empressait de saluer son successeur. Les serviteurs couraient au-dehors commenter l'événement; les femmes de chambre donnaient une réception et offraient le café. Dans les salons et les couloirs, des tapis amortissaient le bruit des pas ; partout régnait le silence ... le silence.

               Cependant, l'empereur n'était pas encore mort ; immobile, pâle, il était couché dans son lit aux grands rideaux de velours, aux lourds glands d'or. Tout en haut, une fenêtre était ouverte et la lune éclairait le malade et l'oiseau mécanique.
    Le pauvre monarque ne pouvait presque plus respirer, il lui semblait avoir un poids énorme sur la poitrine ; il ouvrit les yeux et vit que c'était la Mort qui était assise, là. Elle avait mis sa grande couronne d'or et tenait d'une main son sabre d'or, de l'autre son splendide drapeau. Tout autour d'elle, dans les plis des grands rideaux de velours, des têtes étranges perçaient : les unes hideuses, les autres gracieuses et aimables. C'étaient les mauvaises et les bonnes actions de l'empereur qui le regardaient maintenant que la Mort était assise sur son cœur.

    - Te souviens-tu de cela ? murmuraient-elles. Te souviens-tu de ceci, encore ?

    Et elles lui racontaient tant de choses que la sueur lui perlait sur le front.

    - Je n'ai jamais rien su de tout cela, cria l'empereur. Musique ! Musique, secouez le grand chapeau chinois, que je n'entende plus ce qu'elles disent !

    Mais elles continuaient et la Mort hochait la tête comme un Chinois.

    - Musique, musique ! cria encore l'empereur. Petit oiseau précieux, chante ! chante ! Je t'ai donné de l'or et des bijoux, et j'ai moi-même passé à ton cou ma pantoufle d'or, chante ! chante

              Mais l'oiseau restait silencieux, personne n'était là pour le remonter et donc il ne pouvait chanter. La Mort regardait le moribond de ses grandes prunelles vides et tout était silencieux, si effroyablement silencieux. Alors, s'éleva soudain près de la fenêtre un chant doux et délicieux, c'était le petit rossignol vivant, assis dans la verdure, au-dehors. Il avait entendu parler de la détresse de son empereur et il venait lui chanter consolation et espoir.
    Tandis que son gazouillis s'élevait, les sinistres apparitions s'estompaient, le sang circulait de plus en plus vite dans les membres affaiblis du mourant et la Mort, elle- même, écoutait et disait : "Continue, petit rossignol, continue!"

    - Oui, mais donne-moi ce beau sabre d'or, donne-moi ce riche drapeau, donne-moi la couronne de l'empereur.

    Et la Mort donna chaque joyau pour un chant. Alors, le rossignol continua de chanter. Il chanta le cimetière paisible où poussent les roses blanches, où le sureau embaume, où l'herbe fraîche est arrosée par les larmes des survivants. La Mort eut la nostalgie de son jardin et se dissipa comme un froid brouillard blanc par la fenêtre.


    - Merci, merci, dit l'empereur, petit oiseau du ciel, je te reconnais. Je t'ai chassé de mon pays, de mon empire et, cependant, tu as repoussé de mon lit mes péchés et la Mort de mon cœur ! Comment te récompenser ?

    - Tu m'as déjà récompensé, dit l'oiseau. J'ai vu des larmes dans tes yeux la première fois que j'ai chanté  pour toi, et ça je ne l'oublierai jamais. Elles sont le vrai bijou pour le cœur d'un chanteur. Mais dors maintenant, pour redevenir sain et fort ! Je vais chanter pour toi.
    Et il chanta, et l'empereur s'endormit d'un bon sommeil réparateur.



               Le soleil brillait dans sa chambre, lorsqu'il s'éveilla, guéri. Aucun de ses serviteurs n'était auprès de lui, mais le rossignol chantait encore.

    - Reste toujours auprès de moi ! dit l'empereur. Tu ne chanteras que lorsque tu en auras envie et je briserai l'oiseau mécanique en mille morceaux.

    - Non, dit le rossignol, il a fait tout ce qu'il pouvait. Garde-le toujours. Je ne peux pas, moi, bâtir mon nid et vivre dans le château, mais permets-moi de venir quand cela te plaira. Le soir, je serai là sur une branche et je chanterai pour toi afin que tu sois joyeux et pensif à la fois. Je chanterai ceux qui sont heureux et ceux qui souffrent, le bien et le mal qui sont autour de toi et qu'on te cache. Le petit oiseau chanteur peut voler au loin, près des pauvres pêcheurs, sur le toit des paysans, chez tous ceux qui sont loin de toi et de ta cour. J'aime ton cœur plus que ta couronne, et pourtant, une couronne a comme un parfum sacré autour d'elle. Je viendrai chanter pour toi, mais il faut me promettre une chose ...

    - Tout ce que tu voudras, dit l'empereur.

    Il était debout dans son costume impérial qu'il avait lui-même revêtu, et tenait contre son cœur le sabre alourdi par l'or.

    - Je te demande de ne révéler à personne que tu as un petit oiseau qui te dit tout. Alors, tout ira mieux. Et il s'envola.

    Les serviteurs entraient pour voir leur empereur mort. Ils étaient là, debout devant lui, étonnés.

    Et lui leur dit, simplement : " Bonjour !".

    Morale: nul ne peut s'approprier, même artificiellement, un talent qu'il ne possède pas.

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